La côte sableuse aquitaine

De la Pointe de Grave au nord à la Pointe Saint-Martin au sud, la côte sableuse aquitaine se distingue des autres littoraux français par la présence d’un massif dunaire exceptionnel, long de 230 km. Quasiment rectiligne et pour l’essentiel non urbanisée, elle est formée d’un système de plages et de dunes dont les caractéristiques varient du nord au sud.

Les paysages et leur histoire

La morphologie actuelle du littoral aquitain est l’héritage d’une histoire géologique relativement récente, datant de la fin de l’Ère Tertiaire et du début du Quaternaire, et en particulier des fluctuations du niveau marin. La remontée du niveau marin, qui commence au début de la période Holocène (- 12.000 ans environ), atteint son maximum aux environs de - 6.500 ans et noie les vallées incisées à l’époque glaciaire. Elles sont ainsi peu à peu comblées par des dépôts de sédiments, tout d’abord marins, puis plus tard fluvio-lacustres.

Sur une grande partie de son tracé, la côte apparaît rectiligne. Les seules interruptions du cordon dunaire correspondent aux embouchures (Gironde, Arcachon, courants landais, Adour). Cependant, à l’échelle déca-kilométrique, la morphologie de la côte change.

Le golfe de Gascogne est caractérisé par un vaste plateau continental, dont la largeur décroît progressivement vers le sud, passant de 180 km environ au large de la Bretagne Sud à 55 km dans les Landes, pour atteindre seulement 2 km au niveau du Gouf de Capbreton [1]. La pente moyenne du plateau continental augmente donc sensiblement vers le sud. Les fonds sont recouverts de sable et de vase sur un substrat graveleux. De même, l’orientation de la côte par rapport au nord varie de façon suffisamment significative pour entraîner des conséquences importantes sur les transits sableux qui s’y opèrent et sur sa sensibilité par rapport aux houles dominantes.

D’ouest en est, le système côtier aquitain comporte trois milieux étroitement solidaires et formant un ensemble indissociable : l’avant-côte [2], la plage [3] et la dune littorale. Ils sont interdépendants et très mobiles, ils évoluent en fonction des agents géologiques (héritage des périodes glaciaires récentes, variations du niveau marin…), dynamiques (houle, vent, marée, tempête) et anthropiques (urbanisation…).

Vue en coupe d’une plage (cas général) figurant les différents corps sableux

En Aquitaine, la marée semi-diurne possède un marnage [4] qui varie de 4,3 m en morte-eau, à 5,5 m en vive-eau. Les courants généraux sont faibles sur le plateau continental interne. Seuls les courants engendrés par les vagues sur la côte (dérive littorale [5]) et les courants de marée dans les embouchures sont capables de transporter le sable.

Comme pour la majorité des côtes ouvertes, le littoral aquitain est soumis à d’importants transits sédimentaires qui sont de deux types :

  • La dérive littorale : sur la côte aquitaine ce transport longitudinal (parallèle à la plage) est essentiellement orienté vers le sud, sous l’action des houles dominantes d’ouest nord-ouest. Il existe cependant des exceptions très localisées, avec une dérive littorale vers le nord.
  • Un transit sédimentaire transversal (perpendiculaire à la plage) dirigé vers le large durant les périodes de forte énergie (houles de tempête) et vers la dune durant les périodes de faible énergie (houles de beau temps).

La combinaison de ces deux types de transport génère la présence de corps sableux extrêmement mobiles sur le littoral aquitain. Les plages subissent ainsi des variations morphologiques naturelles saisonnières. On distingue en période de forte énergie (i.e. hiver) des phases d’érosion durant lesquelles le sable migre depuis la plage vers les petits fonds. Le système dunaire apporte alors un stock supplémentaire de sable pour recharger la plage. A l’inverse, en période calme (i.e. printemps-été), des phases d’équilibre sédimentaire (ou d’accrétion) permettent un transport de sable depuis le large vers la plage. Il peut alors être repris par le vent pour alimenter de nouveau la dune.

Les systèmes sédimentaires d’avant-côte, de plage et de dune sont ainsi intimement liés. Un obstacle empêchant le sable de transiter d’un stock à l’autre (longitudinalement ou transversalement) peut ainsi perturber l’ensemble de ce système et provoquer des phénomènes d’érosion ou d’accrétion aggravés. La forme de la côte et la dynamique des sédiments permettent d’identifier des cellules hydro-sédimentaires, portions de côte homogènes du point de vue de ces deux éléments et donc bien sûr indépendantes de toute limite administrative. Il existe une forte interdépendance entre les processus d’érosion/accrétion au sein d’une même cellule qui se situe dans un cadre composé du bassin versant, de la côte et de l’avant-côte. Toute intervention de gestion doit prendre en compte cette unité de base d’analyse de l’espace littoral.

Les risques liés au milieu

L’érosion côtière se traduit sur la côte sableuse aquitaine par un [recul du trait de côte [6] de l’ordre de 2,5 m / an en Gironde et de 1,7 m / an dans les Landes. Il est ainsi estimé que des reculs moyens de l’ordre de 20 et 50 m pourraient survenir respectivement pour les horizons 2025 et 2050. Les risques d’érosion côtière concernent notamment les zones urbaines touristiques et représentent environ 10 % de la côte sableuse. Les risques de submersion marine sont moins prégnants et ne touchent que les zones basses et estuariennes (e.g. au niveau des courants landais, de l’estuaire de la Gironde, du bassin d’Arcachon).

Face au risque d’érosion côtière, la stratégie régionale de gestion de la bande côtière mise en œuvre par le GIP Littoral Aquitain dès 2012 propose différents modes de gestion selon les usages, les enjeux et les taux d’érosion. La stratégie régionale, déclinée sur les territoires en stratégies locales, distingue notamment : l’accompagnement des processus naturels (« laisser faire » avec surveillance), la lutte active souple (réduction des effets de l’érosion éolienne par la végétalisation des dunes, branchages, brise-vents, etc.), la lutte active dure (épis, perrés, etc.) et à moyen terme la relocalisation des activités et des biens menacés.

Les actions de l’Observatoire sur la côte sableuse

La très grande mobilité du littoral et la complexité des phénomènes qui conduisent à l’érosion de la côte sableuse nécessitent d’organiser des suivis réguliers et fréquents de manière à pouvoir apporter toutes les informations nécessaires à la mise en place des stratégies de gestion de manière réactive et opérationnelle. C’est pourquoi, depuis 1996, l’Observatoire de la Côte de Nouvelle-Aquitaine a mis en place des protocoles de mesures sur l’ensemble du linéaire côtier. L’objectif général de ces suivis est de quantifier cette mobilité en combinant des levés de terrain de haute précision (ex. : GPS centimétrique, bathymétrie, LiDAR) avec des moyens de mesure par drone, aéroportés ou par des capteurs satellites. Les fréquences de mesures dépendent des sites et des outils employés. À titre d’exemples, un réseau de bornes géo-référencées du nord au sud permet de faire un relevé annuel de profils plage-dune et du trait de côte, et des mesures et observations sont effectuées après chaque tempête. Des modèles hydrodynamiques sont également utilisés pour caractériser l’action des vagues et des courants sur l’érosion ou la submersion marine.

[1Le Gouf de Capbreton (ou fosse de Capbreton) est un canyon sous-marin au large de Capbreton (Landes), créé par l’écartement de deux plaques tectoniques dans le prolongement de l’ancien lit de l’Adour.

[2L’avant-côte (aussi appelée avant-plage) est la portion de rivage située au dessus des plus basses mers. L’avant-côte est constamment immergée.

[3La plage (aussi appelée estran) est l’espace côtier situé entre les limites de haute et de basse mer, formé de sable ou de gravier (mais non de vase).

[4Le marnage est l’amplitude d’une marée, distance verticale entre la limite de la basse et de la haute mer.

[5La dérive littorale est le transport sédimentaire longitudinal par rapport à la côte, induit par les houles et les courants.

[6Le SHOM (Service hydrographique et océanographique de la Marine) définit le trait de côte comme le niveau des plus hautes mers dans le cas d’une marée de coefficient 120 et dans des conditions météorologiques normales : pas de vent du large, pas de dépression atmosphérique. Néanmoins, dans le cadre des travaux de l’OCA, une définition plus pratique du trait de côte est adoptée, répondant à des critères géomorphologiques permettant de faciliter sa cartographie en Aquitaine.

Pour la côte sableuse : séparation entre la dune et la plage correspondant, selon la configuration géomorphologique, à l’un ou plusieurs des indicateurs suivants :

  • pied de falaise dunaire ;
  • rupture de pente topographique ;
  • limite de végétation dunaire ;
  • ouvrage de protection longitudinal.

Pour la côte rocheuse : séparation entre la falaise et l’estran correspondant, selon la configuration géomorphologique, à l’un des indicateurs suivants :

  • sommet de falaise rocheuse ;
  • pied de falaise rocheuse (si mesure du sommet délicate, dépend de la méthode de mesure) ;
  • ouvrage de protection longitudinal ;
  • mêmes indicateurs que pour la côte sableuse, si le site étudié est en fond de baie.

Pour les zones humides côtières vaseuses (marais maritimes, lagunes, lacs, estuaires, etc.) : limite entre le schorre et la végétation continentale.